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Stop à la pollution néocoloniale ! Tribune internationale de soutien au Mouvement Stop Pollution de Gabès

 
Les régions tunisiennes de Gafsa et Gabès subissent depuis des décennies les pollutions catastrophiques provoquées par l’industrie du phosphate dans lesquelles la France a une responsabilité historique. En 2017, sous la pression des mobilisations du collectif Stop pollution à Gabès, l’Etat tunisien avait pris des engagements pour limiter la pollution. Non seulement le Président Kaïs Sayed les a annulés mais, sous la pression de l’Europe et de ses multinationales (comme Total ou ENI), il vient d'annoncer, dans les mêmes régions, le lancement de l'industrie de l’hydrogène « vert ». Ces projets s’insèrent dans le « Green deal » européen, et dans la recherche d’une alternative au gaz russe. Contrairement à la couleur annoncée, ces projets vont faire peser sur les pays d’Afrique du Nord comme la Tunisie le très lourd coût environnemental des besoins énergétiques de l'Europe.
 
Nous, organisations et citoyen.nes européen.nes, apportons notre soutien au collectif Stop Pollution de Gabès qui lutte en Tunisie contre ces décisions. Nous ne pouvons pas rester silencieux.ses car les industries de l'hydrogène et du phosphate sacrifient les terres de la Tunisie, et la santé des Tunisiens.nes, au nom de notre consommation énergétique et de l’agro-industrie chimique. Les méga-projets d’hyrogène annoncés par le ministère tunisien de l’Industrie, et co-rédigés avec l’agence de développement allemande GIZ, prévoient déjà au moins l’accaparement de 500 000 hectares de terres, et de 16 millions de m³ d’eau par an – l’équivalent de la consommation de 400 000 Tunisiens.nes.
 
La colonisation française a lancé l’industrie du phosphate dès la fin du 19ème siècle pour fabriquer des engrais pour l'agriculture intensive, ou des détergents. Le déchet du phosphate, le phosphogypse, radioactif et bourré de métaux lourds, pollue l'eau et provoque massivement des maladies comme le cancer. En Europe, à partir des années 80, les mines de phosphates ont été fermées suite à des études qui démontraient leur danger pour la santé et la nature. Mais en Afrique, les mines sont toujours en activité. Toute l'industrie du phosphate et les rejets de phosphogypse se sont concentrés en Tunisie, au Maroc ou au Sénégal.
 
Depuis mars 2025, Kaïs Sayed a même retiré le phosphogypse de la liste des substances dangereuses. Une fuite en avant vers toujours plus de pollution, d'empoisonnement des populations, et du vivant dans son ensemble. Et la pollution touche encore l'Europe. En effet, l'utilisation du phosphate comme engrais, ou comme complément alimentaire pour le bétail, est l’une des sources du phénomène d’eutrophisation de l'eau et des pollutions aux algues vertes. C'est aussi la première cause de contamination au cadmium qui cause cancer, ostéoporose, troubles rénaux ou infertilité. C’est donc un problème international de pollution, et si les dégâts les plus visibles sont dans le « sud », dans les régions d’extraction, l'Europe n'est pas épargnée.
 
L’un des principaux clients de la Tunisie, et qui produit sur place des centaines de milliers de tonnes d’engrais phosphatés par an, est la multinationale française Roullier. Les autorités françaises sont au courant de l’activité de Roullier, qu’elles félicitent régulièrement pour ses profits, tout comme elles connaissent bien les pollutions, puisque c’est la France qui a construit les premières infrastructures de l'industrie chimique tunisienne dans les années 50 à la fin de la période coloniale. L’État français est un grand spécialiste des scandales de santé. Quand ce n’est pas chez nous, en Europe, qu’il en provoque, c’est chez nos voisins africains et arabes qu’il les exporte.
 
Mais en plus de la pollution déjà existante, l’État tunisien a donc annoncé la construction à Gabès d’une usine d’ammoniac, un gaz ultra-polluant et très explosif, fabriqué à partir d'hydrogène et qui sert principalement de matière première pour fabriquer des engrais, et du carburant de manière croissante. Cette usine est la première étape de méga-projets qui seront menés par des multinationales européennes, en vue d’exporter vers le vieux continent des millions de tonnes d’hydrogène brut, ou sous forme d’ammoniac. Alors que le mouvement Stop Pollution avait obtenu l’arrêt de l’extension de la zone industrielle de Gabès, les besoins énergétiques de l’Europe, dans un contexte de guerres entre impérialismes, en ont décidé autrement.
 
Aujourd'hui, il est temps que cesse la pollution néocoloniale. Les Etats et les multinationales européennes impliquées doivent rendre des comptes. Et dès maintenant, nous réclamons, en Tunisie, comme partout en Afrique:
- L’arrêt des rejets de phosphogypse. Au même titre que tous.tes les citoyen.nes du monde, les citoyens africains.nes ont droit à un environnement propre, sain et durable.
- Pour tous les projets industriels européens:
. Une réelle concertation qui inclue les organisations impliquées dans le respect des droits sociaux et environnementaux, et représentatives des populations locales, 
. La mise en place de mécanismes de contrôle des multinationales en terme de responsabilité environnementale vis-à-vis des populations locales, de leur environnement et de l'ensemble du vivant.
 
Marseille, 16 avril 2025
 
Organisations signataires :
Association Survie // Les Amis de la Terre // Union syndicale Solidaires // Centre de recherche et d'information pour le développement (CRID) // ATTAC France // Forum civique européen (France) // Comité pour l'annulation de la dette du tiers-monde (CADTM- Belgique)  // CADTM-France // Greenpeace // FSU // Confédération paysanne
 

Premiers signataires :

Mathieu Rigouste, militant et chercheur indépendant

Emmanuelle Hellio, chercheuse membre du CODETRAS

Maxime Combes, économiste

Fatima Ouassak, essayiste

Omar Benderra, Algeria-watch

Manel Ben Boubaker, professeure d’histoire géographe, syndicaliste et militante antiraciste

Alassane Dicko, militant pour la Justice sociale et le développement

Claude Mangin-Asfari, AARASD 94 - Association des amis de la République Saharaouie Démocratique du Val de Marne

Guigui Jaffarmilitant pour la souveraineté des Comores

Georges Franco, artiste peintre

Luiza Toscane, militante pour le droit d'asile

Bernard Christian Rekoula, réalisateur activiste, défenseur des droits de l'homme et de l'environnement

Khadicha Bariha, cheffe-monteuse

Elodie Gueguen, journaliste

Allan Henry, journaliste

(Annexe) 
Déclaration de soutien au mouvement « Stop Pollution » de Gabès (traduction française)
 
Les organisations soussignées se joignent au mouvement « Stop Pollution à Gabès » pour protester contre la politique de l'actuel gouvernement tunisien. Elles expriment leur profonde désapprobation du communiqué du Conseil ministériel du 5/03/2025, qui comprend le retrait du phosphogypse de la liste des substances dangereuses et l'approbation d'un projet d'installation d'une unité de production d'ammoniac dans la zone industrielle de Gabès. Ces décisions représentent un sérieux recul par rapport aux engagements environnementaux et la perpétuation de pratiques de développement qui nuisent à l'environnement et affectent négativement la santé des citoyens.nes de Gabès.
 
Le retrait du phosphogypse radioactif, qui présente un risque environnemental grave pour la santé humaine et les écosystèmes, de la liste des substances dangereuses et son inclusion dans la liste des substances productibles, selon la communication gouvernementale, est une continuation du mépris des droits des citoyens.nes et de l’environnement à Gabès. Cette décision est un revirement de la décision de démantèlement des unités contaminées émise le 29/06/2017. Cela constitue un déni des droits des citoyens.nes de cette région qui ont longtemps lutté pour un environnement propre et sûr.
 
De plus, l'annonce d'un projet d'ammoniac vert à Gabès, présentée dans la même communication, est inquiétante à plusieurs niveaux. Ce projet financé par la banque allemande KFW, qui a fait l'objet d'un accord le 15 décembre 2020, représente une étape vers des projets de production d'hydrogène vert destinés à l'exportation vers l'Allemagne, ce qui constitue une menace majeure pour l'environnement et la santé publique dans la région. Ces projets contribueront à l'aggravation de la crise de la pollution à Gabès, en raison du dessalement de l'eau de mer qui sera utilisée pour fabriquer de l'hydrogène, ainsi qu'à l'appropriation légalisée de vastes étendues de terres dans le sud de la Tunisie, augmentant le montant de la dette liée à l'infrastructure nécessaire à ces projets, tels que les pipelines de transport d'hydrogène.
 
Les organisations soussignées appellent le gouvernement tunisien et les autorités compétentes à s'orienter vers la mise en place de véritables solutions qui prennent en compte l'environnement, s'engagent en faveur du développement durable et de la justice environnementale, et respectent les droits des générations futures à un environnement sain et sûr. Elles appellent également le gouvernement tunisien, la Présidence de la République et le Ministère de l'Industrie, de l'Energie et des Mines à revenir sur ces décisions qui portent atteinte à l'environnement et aux citoyens, et à s'orienter vers de véritables solutions environnementales qui contribuent à améliorer la vie des habitants de Gabès et du reste des régions tunisiennes. Enfin, les organisations appellent tous les citoyens, les organisations nationales et la société civile à s'unir et à participer activement à la lutte contre ces projets qui menacent l'avenir de l'environnement et de la société, et à défendre le droit légitime à un environnement propre et sûr.
 
Gabès, le 9/03/2025
 
Signatures : (1) Ligue tunisienne des droits de l’homme (2) Mouvement Stop Pollution (3) Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (4) Association Nomad 08 (5) Association tunisienne des femmes démocrates (6) Groupe de travail pour la souveraineté alimentaire (7) Association Ifrifkya (8) Avocats sans frontières (9) Association la boussole (10) Association Beyti (11) Association génération contre la marginalisation (12) Association tunisienne ouledna (13) Association la voix des femmes (14) Association Kalam (15) Initiative existence dans l’égalité (16) Association les arts malgré moi (17) Association Discorde (18) Association Al Karama pour les droits et libertés (19) Association tunisienne des droits et libertés (20) Association Tawhida Ben Cheikh pour la santé (21) Réseau tunisien pour la justice transitionnelle (22) Fédération tunisiennes des citoyens des deux rives (FTCR) (23) Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT) (24) Organisation tunisienne contre la torture (25) Coalition tunisienne pour l’abolition de la peine de mort (26) Organisation Ahna Chabeb (27) I Watch Organisation (28) Association Lina Ben Mhenni (29) Groupe de travail pour la démocratie énergétique (30) Observatoire tunisien des droits de l’homme

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