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Réponse de la cellule Environnement de la Société scientifique de médecine générale (SSMG) et du professeur Bruno Schiffers, Ingénieur agronome spécialisé en Protection des Végétaux, Docteur en Sciences Agronomiques, aux propos de la ministre wallonne de l’Agriculture, Madame Anne-Catherine Dalcq, dans « Le Soir » du 02/04/25.
Professionnels de la santé et scientifiques, nous avons été heurtés par certains propos de la ministre wallonne de l’Agriculture, Madame Anne-Catherine Dalcq, dans Le Soir du 02/04/25.
En tant que professionnels du soin et de la science, nous sommes tenus par des obligations déontologiques de veille de la santé physique et mentale de nos patients, d’intégrité de nos pratiques vis-à-vis de nos patients et de la collectivité, et également de correction scientifique. Ces devoirs nous obligent. Nous ne pouvons donc pas rester muets face à certaines déclarations de la ministre qui sont manifestement erronées, inexactes, voire mensongères.
Tout d’abord, assimiler un pesticide à « une molécule trouvée dans la nature que l’on a modifiée un peu pour mieux cibler son action », comme l’affirme la ministre, est au mieux l’indice d’une sérieuse méconnaissance de ces produits (car la majorité des pesticides sont à ce jour des molécules de synthèse), au pire, l’indice de la volonté de nier la dangerosité pourtant avérée de certaines de ces molécules. Dans les deux cas, cela est hautement problématique, et incompatible avec le devoir d’exemplarité d’une ministre de l’Agriculture.
Mais encore, il est inexact de dire que « tous les paramètres de santé sont contrôlés par des toxicologues ». En effet, le système actuel comporte de nombreuses lacunes, notamment au niveau des essais qui se basent sur des modèles simplifiés ne pouvant rendre compte de la complexité des systèmes naturels. La preuve en est, qu’après quelques années d’utilisation en conditions réelles, des effets indésirables sont observés sur la santé et/ou sur l’environnement, aboutissant à un retrait des autorisations délivrées (l’exemple du retrait récent du Flufénacet est démonstratif). Ces interdictions ou retraits n’empêchant d’ailleurs pas leurs effets néfastes de perdurer. Il en va ainsi de dizaines de pesticides ou de leurs produits de dégradation, toxiques et rémanents dans l’environnement, comme le DDT et autres organochlorés interdits depuis des années voire des décennies, que l’on retrouve sous forme de résidus dans nos aliments, nos eaux souterraines et finalement comme contaminants dans notre sang. Demain ce sera le cas des dérivés des pesticides PFAS.
La ministre semble ignorer les tenants et aboutissants de la procédure d’autorisation des produits phytopharmaceutiques (les « pesticides »), ce qui est inquiétant.
Il y a presqu’un an, nous lancions notre appel contre les pesticides qui a été rejoint par plus de 400 médecins et professionnels de santé. La réponse politique à cet appel a été à peu près inexistante. Pendant ce temps-là, l’empoisonnement massif de la population se poursuit, et les patients, leurs soignants et les scientifiques spécialisés ont l’impression de hurler dans le désert.
Parce que la partie la plus problématique de l’enjeu des pesticides concerne notre santé, celui-ci devrait – c’est le bon sens même – être discuté avec scientifiques et médecins, mais il semble que la ministre préfère en discuter avec les entreprises phytopharmaceutiques et les producteurs de semences tout en continuant d’ignorer, comme ses prédécesseurs, les effets délétères massifs des pesticides sur la santé et la biodiversité.
Pourtant les données scientifiques ne cessent de s’accumuler et de renforcer le faisceau de preuves. Paradoxalement, les résultats des études commanditées par la Région Wallonne elle-même ces dernières années restent ignorés, les experts scientifiques inaudibles et les recommandations émises non suivies d’effet. Pour preuve l’AGW sur l’emploi des pesticides qui n’a pas été révisé suite aux études menées par l’ISSeP, le CRA-W et l’ULiège.
Nous ne pouvons accepter que la santé soit la variable d’ajustement des systèmes alimentaires industriels.
Nous sommes toutes et tous contaminés par les pesticides, y compris pendant des périodes de vie de haute vulnérabilité à leur toxicité. Femmes enceintes, bébés, enfants, adolescents. Personne n’y échappe. Les études de biomonitoring montrent que dans notre pays, les pesticides sont d’ailleurs parmi les polluants les plus retrouvés chez les enfants.
En Belgique, plus de 5.000 tonnes de substances actives pesticides sont épandues chaque année. Une grande part des substances autorisées en Belgique sont cancérigènes, toxiques pour la reproduction, toxiques pour les organes, irritantes pour la peau. De nombreuses substances actives ont des effets de perturbation endocrinienne. Une trentaine sont des PFAS. Sans oublier toutes les autres substances ajoutées à la molécule active, les co-formulants, dont plusieurs sont des biocides (métaux lourds, arsenic, hydrocarbures…).
L’impact des pesticides sur le déclin de la biodiversité et sur la santé humaine est considérable. Ce ne sont pas des opinions. Ce sont des faits scientifiques corroborés par l'ensemble de la communauté scientifique européenne.
Nous ne pouvons accepter que la santé soit la variable d’ajustement des systèmes alimentaires industriels. Nous ne pouvons accepter que la santé soit la grande oubliée des discussions et des décisions prises en matière d’agriculture. Aujourd’hui, les externalités négatives du complexe agro-industriel sont assumées par la société, par nous toutes et tous. Les coûts en termes d’impact sur la santé sont colossaux. L’épidémie de maladies chroniques (cancers, maladies neurodégénératives…), outre toutes les souffrances qu’elle occasionne, ne fait qu’appauvrir la collectivité. Nous ne pouvons accepter que la santé soit sacrifiée sur l’autel de la prospérité de l’industrie agro-alimentaire et chimique.
Nous, professionnels de santé et scientifiques, affirmons que l’on ne peut impunément balayer d’un revers de main les données scientifiques. A l’instar de nombreuses autres sociétés scientifiques, il est de notre devoir de prendre position afin de protéger tous nos patients, et en premier lieu, les enfants, les agriculteurs et agricultrices, qui sont les premières victimes de ces pesticides.
C’est pourquoi nous demandons à la ministre de l’Agriculture de sortir du déni et de prendre ses responsabilités.
Nous plaidons pour une politique alimentaire vertueuse qui protège la santé et l’environnement, car c’est ce que nous avons de plus précieux.