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Gaza, agendas et liberté d’association : une lettre ouverte à la communauté universitaire et à la cité

Genève, le 23 septembre 2024

Nous, chercheur-e-s, enseignant-e-s et membres du personnel de l’Université de Genève, prenons aujourd’hui la parole pour exprimer notre préoccupation face aux évènements récents qui ont mis notre Alma mater sous les feux des projecteurs.

En mai passé, plusieurs centaines de nos étudiant-e-s ont investi pacifiquement le hall d’Uni-Mail pour demander un cessez-le-feu à Gaza. Cet élan humanitaire et de participation civique précieux a réouvert le débat sur le rôle social de l’Université. Il a néanmoins été stoppé brusquement par une intervention de la police au sein du campus, une première dans la longue histoire de notre institution.

À la rentrée universitaire, c’est par la presse que nous avons appris l’interdiction de la distribution du traditionnel agenda-guide des étudiant-e-s dans les bâtiments universitaires ainsi que dans leurs environs, décision prise par la Rectrice de l’UNIGE. Cette décision a été suivie par l’ouverture d’une procédure visant à suspendre, voire retirer, la reconnaissance du rectorat à la Conférence Universitaire des Associations Étudiantes (CUAE), l’association faîtière des étudiant-e-s de l’UNIGE, privant ainsi les autorités académiques d’un interlocuteur étudiant. Cette intervention inédite de l'administration est motivée par la présence du slogan « From the river to the sea » dans un dessin représentant l'occupation d'Uni-Mail au printemps dernier, ainsi que par la référence au triple détournement d'avions orchestré en 1970 par le Front Populaire de Libération de la Palestine.

L’objet de cette lettre n’est pas de nous attarder sur le slogan en question. Le professeur Didier Fassin[1] ou les professeurs Amos Goldberg et Alon Confino[2] ont récemment montré qu'il a été brandi tour à tour par les nationalistes israéliens et palestiniens, mais aussi utilisé comme symbole d’une coexistence pacifique et multinationale au Moyen-Orient. C'est par ailleurs la Jerusalem Declaration on Antisemitism, signée en 2021 par plus de 200 historien-ne-s de l’Holocauste dans le but de définir un cadre acceptable de discussion sur conflit Israelo-Palestinien, qui a clarifié que « it is not antisemitic to support arrangements that accord full equality to all inhabitants “between the river and the sea”, whether in two states, a binational state, unitary democratic state, federal state, or in whatever form »[3].  Si les positions exprimées au cours de l’occupation d’Uni-Mail ne sont pas nécessairement partagées par l’ensemble de la communauté académique, il n’en demeure pas moins que le slogan « From the river to the sea », à l’instar du slogan « Stop au génocide », ne peut pas être identifié comme une expression discriminatoire ou incitant à la haine comme cela a été récemment statué par le ministère public de Bâle-Ville[4]. Quant aux détournements de Zarka et l’offensive jordanienne les ayant suivis, connue sous le nom de « Septembre noir », il nous parait inconcevable que cet épisode majeur du XXème siècle ne puisse être mentionné aux côtés d’autres évènements tragiques tels que la fusillade du 9 novembre 1932 à Genève ou le génocide des Arménien-nes.

Il est évident que tout un chacun peut avoir son avis sur l’opportunité de tels choix éditoriaux de la part des étudiant-e-s. Nous défendons néanmoins le fait qu’il doit être possible d’exprimer au sein de l’Université – et surtout au sein de l’Université – des idées qui « heurtent » comme le dit la Rectrice. L’objet des controverses, au lieu d’être enfoui, devrait plutôt faire l’objet d’un débat large et étayé au sein de la communauté universitaire à travers les formes qui sont propres à notre institution (conférence, débat, journée d’étude) afin de stimuler un débat public qui, dans le cas présent, aurait été plus que bienvenu.

Les polémiques avec les étudiant-e-s et leurs représentant-e-s ont été nombreuses au fil des années dans notre Alma mater. Néanmoins, jamais dans l’histoire récente de l’UNIGE les autorités académiques n’avaient essayé de limiter la liberté d’association et la faculté des étudiant-e-s de gérer en autonomie leurs fonds. La CUAE a une Assemblée Générale et une Assemblée des délégué-e-s qui en détermine le mandat. Ses activités, comme celles de toutes les associations estudiantines, sont financées non pas par de l’argent public, mais par une fraction des taxes payées par les étudiant-e-s qui ont tout le droit de choisir librement qui devrait représenter leurs instances face à l’administration. Penser que le rectorat est en mesure de décider qui sont ses interlocuteurs relèverait d’une confusion des rôles qui se traduirait dans un appauvrissement certain de la démocratie interne à l’Université ainsi qu’une atteinte inacceptable à la liberté de réunion.

La liberté académique est un exercice collectif dont les limites ne peuvent être que déterminées par la communauté qui s’en porte garant. Laisser penser qu’il revient aux autorités politiques ou judiciaires, voire à la police, d’établir ce qui peut être fait ou dit au sein de l’Université ne peut qu’ouvrir la voie à des dérives dangereuses qui vont inévitablement finir par restreindre notre liberté d’enseignement et de recherche. On s’engage ainsi sur une pente glissante dont les effets se manifestent déjà à partir d’un Projet de loi ubuesque, déposé il y a quelques jours au Grand Conseil, afin d’« interdire toute manifestation de nature politique » au sein de l’Université.




[1] Didier Fassin, Une étrange défaite. Sur le consentement à l'écrasement de Gaza, La Découverte, 2024.

[2] Amos Goldberg and Alon Confino ‘From the river to the sea’: One slogan, many meanings, Review of Democracy (27/3/24): https://revdem.ceu.edu/2024/03/27/from-the-river-to-the-sea-one-slogan-many-meanings/

[3] The Jerusalem Declaration On Antisemitism: https://jerusalemdeclaration.org/

[4] Sarah Serafini  Pro-Palästina-Parole ist nicht strafbar, Beobachter (16/1/24) : https://www.beobachter.ch/gesetze-recht/justiz/pro-palastina-parole-ist-nicht-strafbar-673822

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Signataires (mise à jour le 6/10 à 16h) :

Nour Abidi, doctorante, médecine

Antoine Acker, professeur, département d'histoire générale, Faculté des lettres

Sarah Alborzi, assistante-doctorante, département de droit pénal, Faculté de droit

Korine Amacher, professeure ordinaire, Faculté des lettres (MESLO) et GSI

Yousra Amalou, ARE, FPSE

Stefano Araújo, doctorant, Département de science politique et relations internationales/GSI

Yasmine Atlas, Maître assistante, Lettres

Lorenzo Avellino, post-doctorant, Sciences de la société/Histoire économique

Çağla E. Aykaç, collaborateur scientifique, Sciences de la société

Balslev Kristine, Maître d'enseignement et de recherche, FPSE

Chloé Baruffa, doctorante, Faculté des sciences de la société

Natalia Baumann, post-doctorante, Département des neurosciences fondamentales/Médecine

Joanna Baumann, doctorante, Faculté de droit

Eléonore Beck, assistante-doctorante, département d'histoire, Faculté des lettres

Giovanna Bianchi, bibliothécaire, DIS

Jean-Sébastien Blanc, collaborateur scientifique, Faculté des sciences de la société

Aline Boeuf, doctorante, IRS, Faculté des sciences de la société

Cécile Boss, maître assistante, FPSE

Lydia Boushi, doctorante, Faculté de droit

Sarah Brazil, chargée d'enseignement suppléante, Anglais/Lettres

Claire-Akiko Brisset, professeure ordinaire, département ESTAS, Faculté des lettres

Agathe Cambon, doctorante, FPSE

Maryvonne Charmillot, Maître d'enseignement et de recherche, FPSE

Fernando Carvajal Sánchez, chargé d'enseignement, SSED/FPSE

Higor Carvalho, doctorant, GEDT

Chiara Castellani, assistante, Faculté de droit

Celine Castellino, doctorante

Pedro Cerdeira, post-doctorant, histoire générale/Lettres

Yann Cerf, doctorant, département de sociologie, Faculté des sciences de la société

Corinne Charbonnel, professeure ordinaire, Astronomie/Sciences

Armelle Choplin, professeure, département de géographie, Faculté des sciences de la société

Nicolas Comti, doctorant, département de droit public

Liala Consoli, collaboratrice scientifique, Faculté des sciences de la société

Irène Courtin, doctorante en sociologie, Faculté des sciences de la société

Antoine Da Rigna, assistant, département de droit public, Faculté de droit

Amélie Daverio, assistante-doctorante, Faculté de droit

Justine Daverio, doctorante, Institut de recherches sociologiques, Faculté des sciences de la société

Julie de Dardel, professeure assistante, Faculté des sciences de la société

Matthieu Debief, Doctorant, SDS/Sciences politiques

Nicolas de Félice, doctorant FNS, département d'histoire générale, Faculté des lettres

Magali Diche, assistante, Droit civil

Guillaume Dreyer, assistant, DEHES

Antoine Dubiau, assistant-doctorant, département de géographie, Faculté des sciences de la société

Cédric Durand, professeur, département d'histoire, économie et société, Faculté des sciences de la société

Géraldine Engel Zelada, Bibliothécaire, Uni Mail

Guillermo Escribano Martín, auxiliaires de recherche et d'enseignement en informatique, Faculte de traduction et interprétation

Vista Eskandari, assistante, département de droit public, Faculté de droit

Juan M. Falomir, professeur, FPSE

Julie Franck, Maître d'enseignement et de recherche, FPSE

Marie Fonjallaz, doctorante, Faculté de droit

Nicolas Fornerod, chargé d'enseignement, Faculté des lettres/IHR

Taline Garibian, Collaboratrice scientifique, Maison de l'histoire

Jules Garine-Wichatitsky, assistant-doctorant, Lettres/GSI

Myriam Girardin, collaboratrice scientifique, Sciences de la société

Veronica Gomez-Temesio, collaboratrice scientifique, GSI

Elsa Gonay, adjointe scientifique, Faculté des lettres

Solène Gouilhers, collaboratrice scientifique, Faculté des sciences de la société

Joan Grandjean, assistant-doctorant, département d'éudes méditerranéennes, slaves et orientales, Unité d'arabe

Daniel Granja, Assistant-Doctorant, FPSE

Fabiana Gugliotta, PAT, Faculté de droit

Alice Guilbert, assistante-doctorante, GEDT

Romane Guillo, assistante-doctorante, Faculté de droit

Zeina Hakim, chargée d'enseignement, IUFE

Aline Helg, professeure honoraire, Histoire générale/Lettres

Olivia Huguenin-Dumittan, PAT, Division de l’information scientifique (DIS)

Cornelia Hummel, professeure, Faculté des sciences de la société

Sayma Khan, juriste, IUFE

Maria Kherbouche, doctorante, Faculté des Sciences de la Société

Erzsi Kukorelly, chargée d'enseignement, Lettres

Camille J. Laufer, ARE, Faculté des sciences de la société

Alice Leclercq, doctorante, Faculté des Lettres

Nicolas Leresche, post-doctorant, SDS/Géographie

Naïma Maggetti, Collaboratrice scientifique, Maison de l’histoire

Anaïs Mansouri, assistante, déaprtement d'histoire générale, Lettres

Quentin Markarian, doctorant, département de droit public

Christophe Marti, chargé de cours, Médecine

Britt-Marie Martini-Willemin, Chargée d'enseignement, FPSE

Anas Masood, doctorant, Faculté de Médecine

Lucie Mercier, Chercheuse associée, Département de philosophie

Grégoire Métral, informaticien, CIGEV

Julien Michellod, doctorant, Institut des sciences de l'environnement

Igor Milhit, bibliothécaire, Faculté de médecine

Aline Müller, assistante, département d'histoire générale, Faculté des lettres

Callirhoé Mützenberg, assistante, Faculté de droit

Cécile Neeser Hever, doctorante, Faculté des lettres

Michalis Nikiforos, Professeur, Département d'histoire, économie et société/SDS

Nuné Nikoghosyan, adjointe scientifique, UNIGE

Pauline Noblecourt, professeure-assistante, Lettres

Salomé Okoekpen, doctorante, Sciences de la société/Sociologie

Ximena Osorio Garate, doctorante, département de relations internationales et de science politique

Hélène Parmentier, assistante de recherche, FPSE

Didier Péclard, Professseur associé, Global studies institut/SDS

Marion Philip, post-doctorante FNS, Département d'Histoire Générale/Faculté des Lettres

Luca Piddiu, assistant-doctorant, GEDT

Marion Planque, assistante-doctorante, Faculté des sciences de la société

Eugenia Portioli, assistante-doctorante, Faculté de traduction et d'interprétation

Juliette Refle, assistante-doctorante, GSI

Adele Ribuot, Assistante, Département d’histoire générale/Faculté des lettres

Yamina Sam, assistante-doctorante, Faculté des sciences de la société

Aline Nanko Samaké, doctorante, GSI

Cécile Neeser Hever, doctorante, Faculté des Lettres

Sabrina Sampaio Martins, assistante-doctorante, Faculté de lettres

Marlyne Sahakian, Professeure, Sociologie / SDS

Daniel Schaerer, professeur, département d'astronomie, Faculté des sciences

Katharina Schöbi, doctorante, Droit public

Isabelle Schoepfer, collaboratrice scientifique, Faculté des sciences de la société

Daniela Solfaroli Camillocci, professeure, IHR-UNIGE

Tara Steimer, Chargée de cours, Faculté des Sciences

Mathias Studer, professeur associé, IDESO, Faculté des sciences de la société

Leonhard Unterlerchner, doctorant, IDESO, Faculté des sciences de la société

Seyma Uysal, assistante, département de droit civil, Faculté de droit

Gaia Valenti, doctorante, Faculté des sciences de la société

Sara Vallerani, assistante-doctorante, Faculté des sciences de la société

Anne-Claude Juillerat Van der Linden. chargée de cours, FPSE

Olivia Vernay, collaboratrice scientifique, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation

Sofia Vignola, assistante de recherche/PhD, Faculté des sciences de la société/Sociologie

Margot Voisin, doctorante, Faculté de droit

Catarina von Wedermeyer, MER, Lettres

Olivier Waeber, doctorant, IRS, Faculté des sciences de la société

Valeria Wagner, MER, département de langues et littératures romanes, Faculté de lettres

Hélène Widmann, assistante de recherche, Institut des études genre/Faculté des sciences de la société

Eric Widmer, professeur, Faculté des sciences de la société

Clarissa Yang, collaboratrice scientifique, Maison de l'histoire

Giovanna Zapperi, professeure, Faculté des Lettres

Megan Zeitz, chercheuse FNS, département de langue et littérature anglaises

 

Signataires hors-UNIGE :

Mounia Bennani-Chraïbi, professeure, IEP/SSP/Unil

Flavien Bonelli, assistant-doctorant, SSP, Unil

Jospeh Daher, professeur invité à l'UNIL, IEP/SSP

Pierre Eichenberger, MER, IEP/UNIL

Anouk Essyad, doctorante FNS, Université de Fribourg

Olivier Fillieule, professeur, IEP/SSP/UNIL

Luca Gnaedinger, Doctorant, Institut de géographie, Universtité de Neuchâtel

Raphaël Guex, post-doctorant, Université Aix-Marseille

Alix Heiniger, prof. ass. en histoire contemporaine, Université de Fribourg

Guillaume Matthey, doctorant, ISS/SSP/UNIL

Phœbé Mendes, doctorante en sociologie, ISP/Université Paris-Nanterre

Leandro Montes Ruiz, Doctorant, Relations Internationales/IHEID

Stephen Perrig, Médecin-adjoint, HUG

Susana Perdiz, Responsable de programme, Rectorat

Laure Piguet, post-doctorante, Université de Fribourg

Bernhard Schär, FNS Eccellenza Prof, IEP/SSP/UNIL

Julia Steinberger, professeure, IGD/FGSE/UNIL

Hayley Umayam, doctorante, relations internationales et sciences politiques, IHEID

Bernard Voutat, professeur, IEP/SSP/UNIL

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